i'm not ready for this to end
acte I, scène II
Parfois, la nuit était si douce, si tendre, si avenante, que son appel était irrésistible. Le Kitsune savait qu’il n’aurait pas dû y céder, mais c’était justement l’aspect interdit du geste qui le poussa à s’évader. Dans la fraîcheur d’une nuit éclairée par les astres nocturnes d’une douce lueur, une silhouette se détachait entre les arbres, profitait d’une solitude si bien méritée, d’une accalmie. D’un entracte.
Fallait bien que les acteurs se reposent entre deux scènes d’un même acte. Et le Kitsune avait terriblement besoin d’une pause, d’un repos qu’il considérait comme un droit, mais davantage un besoin. Une silhouette qui allait entre les arbres, qui s’était approché de la rivière, qui avait tenté de la frôler de sa patte tout en manquant d’y tomber. L’intelligence ne faisait pas bon ménage avec la curiosité, tenaillé entre l’envie d’essayer encore de la toucher et la conscience qu’y tomber serait un danger duquel il en ressortirait sans doute pas du tout. Encore moins en pleine nuit, dans une balade interdite et donc totalement inconnue. Personne ne traînerait dans les parages pour lui venir en aide.
Alors le Kitsune choisit la sécurité et recula doucement, pas à pas, oubliant la tentation, ce besoin d’une réponse sans savoir quelle récompense il pourchassait, pour finir par faire demi-tour. Il ne faudrait pas qu’il s’égare et ne puisse rentrer au camp, son secret serait alors découvert.
La pause fut d’une courte durée, mais ce fut une bouffée d’oxygène qu’il ne pouvait négliger, qu’il n’avait pu refuser. Et maintenant il était de reprendre les ficelles, de retourner dans son rôle, s’y glisser, s’oublier. Le Kitsune respira profondément alors que son corps fin et élancé se faufilait en silence dans le camp pour rejoindre la pouponnière dans la plus grande des discrétions. Il ne fallait pas se faire prendre, ne pas se faire remarquer.
Le voici de nouveau dans la pouponnière, roulé en boule contre ses frères, exempt de toute trace de crime. De ce crime commis impunément et sans l’ombre d’un regret. Le Kitsune se laissa alors entraîner dans les bras de Morphée, bercé par cette douce vague de sommeil qui le garda jusqu’aux lueurs d’un soleil déjà bien haut dans le ciel. Matinal par habitude, il fut désorienté, perturbé, face à cette journée bien avancée. Petits pas incertains en absence de regards avant de reprendre cette assurance qui est sienne. Est-elle vraiment sienne ? C’est sur ça que se joue son avenir.
Le Kitsune s’était élancé hors de la pouponnière, se baignant dans la lumière de ce soleil bien plus agressif que les étoiles et la lune de la nuit. Son regard brillant finit par se poser sur une forme qu’il connaissait très bien, qu’il aimait et protégeait. Qu’il s’était voué à défendre au péril de sa propre vie : l’un de ses frères. Le plus à l’ouest, le plus ailleurs, le plus à même de se faire rejeter, agacer par les autres. Mais le Kitsune serait là pour mordre, pour le défendre, pour éloigner quiconque de mauvais aux alentours. Il serait là pour le soutenir, comme il le ferait pour tous les autres.
Le Kitsune était aimant, il était protecteur. Il n’était pas une bête assoiffée de pouvoir malgré son statut d’héritier, malgré son désir profond d’être celui qui succèderait à sa mère. Non, il n’était pas une bête qui allait tout faire, en dépit des autres, pour obtenir le pouvoir. Il allait protéger sa famille, il allait rester près d’elle, tout en montant les échelles.
Il s’était approché du Lynx doucement, sans gestes brusques et il s’était allongé à ses côtés. Le Lynx était muet. En fait, il ne l’était pas réellement, mais c’était comme ça que le présentait le Kitsune. « J’ai vu les étoiles. Elles brillaient. » Il lui parlait, au Lynx, même si le Lynx ne parlait pas vraiment. Il n’attendait pas de réponses de la part du félin. « Je sais, on ne doit pas sortir, mais l’interdit est tentant, l’interdit.. tu me connais, avec l’interdit. L’extérieur, c’est beau. Je le présenterais quand tu voudras, Lynx, même si c’est quand tu seras apprenti, je te le ferais découvrir ! La rivière, elle est intéressante. Mais on doit attendre de grandir pour s’en approcher vraiment, j’ai failli tomber. Il est beau, le matin, non ? »
Ce n’était pas tant une réponse verbale que le Kitsune attendait, seulement un geste, une affirmation comme quoi sa présence n’était pas indésirable.
@petit lynx love