(flashback) always and forever - ft. Odyssée du Léopard ♥

always and forever

i've been passing the days not living them ☽Si la mort de Coeur de Primevère remontait à plusieurs lunes auparavant, le chagrin gagnait encore le matou, chaque fois que quelque chose lui faisait penser à elle. Il sentait, à chaque fois que son effluve semblait passer près de sa truffe, un pincement au coeur. Et lorsque sa fille débarquait dans le camp, aussi resplendissante que sa mère, il sentait son palpitant se serrer à nouveau de douleur et d’amour. Il se perdait fréquemment dans ses pensées, s’endormant sous le maigre soleil apporté par la saison des neiges. La saison des feuilles nouvelles arrivait à grands pas et pourtant, il n’y avait pas le moindre signe d’un beau rayon chaleureux sur sa fourrure, seulement une brise fraîche qui le faisait frissonner de temps à autre. Il arrivait que malgré la fraîcheur, le mâle s’endorme, tué de fatigue, embrassant grandement les bras de Morphée, se jetant presque dedans.
Alors qu’il bâillait à s’en décocher la mâchoire, allongé dans un coin du camp, il laissait doucement le sommeil le gagner, fermer peu à peu ses yeux, ayant toujours plus de mal à les rouvrir. Il fallait dire que les journées étaient intenses, il donnait toute son âme mais les nuits étaient très courtes, agitées de cauchemars et d'insomnies qui l’empêchaient de faire quoi que ce soit de réellement productif une fois qu’il était allongé.

Pourtant, ce n’était pas un jour comme les autres. C’était comme un mauvais pressentiment qui traversait son pauvre petit coeur, quelque chose qui parvenait encore à le tenir éveillé. Alors il attend toute la journée que ce qu’il ressent s'exécute, que la mauvaise nouvelle tombe, qu’il puisse ensuite prendre le temps de se reposer un peu. Il n’ose pas fermer les yeux, il se bat avec les bras de Morphée qui l’appellent, qui pourraient bien finir par le tirer de force vers elle, mais il résiste, jusqu’à ce qu’un regard paniqué, un visage familier, n’entre dans son champ de vision.
Elle était là, celle à laquelle il tenait énormément. Pas autant que Coeur de Primevère, elle, il l’avait aimé de toute son âme, avec la force d’un lion mais cette femelle, il tenait à elle plus qu’il ne voulait l’admettre. Et lorsqu’elle arriva à lui, première personne à laquelle elle avait pensé, cela le toucha, mais il n’y pas le temps pour ce genre de constatation, le danger grondait.


Si le petit était seul dans le pouponnière depuis trois lunes, c’était qu’il n’y avait pas eu de nouvelles portées durant l’hiver, fort heureusement. Seul chaton, calme petite bête, pauvre petite créature aujourd’hui perdue quelque part, il devait le retrouver.


Poussée d’adrénaline. Pas le temps de réfléchir, pas le temps de prévenir, il avait déjà filé hors du camp, qui savait si le gamin ne trainait pas dans la lande, pauvre petit curieux. S’il tombait sur un quelconque prédateur, le petit était fini. Il fonçait à toute allure, humant l’air, cherchant dans tous les sens où est-ce que le jeune chaton pourrait être, mais il ne parvenait pas à obtenir beaucoup de pistes, seulement son odeur éventée qu’il peinait à suivre. Soudainement, un cri de détresse se fit entendre et Odyssée du Léopard bondit à travers la lande vers la source du bruit. Si ses muscles le faisaient souffrir et que ses poumons le brûlaient, il ne ralentissait pas l’allure. Bientôt, il vit la silhouette rousse d’un canidé, boule de poils trois fois plus grosse que Patte de Jais. Les souvenirs atroces, les visons de sang, la mort de son père, lui qui ne fait que protéger sa soeur, Bulle de Miel. Et le voilà qui repense au passé, qui pourrait bien s’arrêter, rester planter là et regarder la scène, laisser Patte de Jais mourir comme il a regardé son père crever sous ses yeux. Mais il a pas l’intention de laisser la mort emporter qui que ce soit d’autre, pas de la patte de ces fous de la viande fraîche. Le mâle tacheté redoubla l’allure et, dans un dernier élan d’effort, fondit sur le renard, toutes griffes dehors, jetant directement ses crocs sur la nuque du bouffeur de chair à corbeaux.


Si l’effet de surprise avait marché, le renard n’avait pas l’air de vouloir fuir tout de suite, sûrement affamé, il ne laisserait pas sa proie fuir de si tôt. Il parvint à choper l’épaule du chasseur, tentant de le secouer, mais Odyssée du Léopard se dégagea à coups de griffes dans le museau de son adversaire et eut tout juste le temps de se jeter sur la patte du canidé qui finit par couiner en prenant la fuite après s’être dégagé de l’emprise du félin.

Le souffle court, le guerrier avait du mal à regarder clairement autour de lui, complètement épuisé. Il huma l’air à la recherche du petit mâle noir.

always and forever

i've been passing the days not living them ☽ Odyssée du Léopard tenait à la mère de ce petit tout comme il tenait à cette boule de poils inconsciente qui le mettait hors de lui. Il n’avait fait que raviver des souvenirs douloureux, le décès de son père traversait à nouveau ses pensées, son regard ; il avait agit cette fois, plutôt que d’être passif et de protéger sa soeur. Il l’avait fait parce qu’il avait la force de le faire, peut-être le courage mais il n’oserait pas le dire : malgré la peur qui aurait pu le paralyser et faire tuer ce petit, il avait finalement agit, contrairement à l’une des fois où cette situation, plus jeune, était apparue sous ses yeux. À peine guerrier qu’il était, en pleine patrouille de chasse, ils étaient tombés sur un renard et la force de Mère Nature n’avait fait que tenir le mâle à l’écart du combat, laissant ses pattes s’enfoncer dans le sol tandis que les siens se battaient vigoureusement. Il avait même failli y passer, ce fou, il s’était fait attaqué par le renard qui lui avait laissé une cicatrice remarquable à l’épaule gauche et dont il n’avait jamais parlé.
Si le guerrier tacheté avait eu peur cette fois-ci, il avait enfoui cela, il avait compris qu’il devait se battre, qu’il avait mûri et qu’il devait se battre comme son père avait pu se battre pour lui. Il ne laisserait plus sa peur le paralyser sur le champ de bataille, qu’il soit un simple chasseur ou non, son mentor comme tous les autres, leur avait appris à se battre et ce n’était pas pour rien.

Il y avait désormais deux odeurs qui se mélangeaient dans l’air, celle du sang de sa victime et le sien, mais aussi l’odeur nauséabonde qui empestait, mais il ne saurait distinguer s’il s’agissait de la sienne ou de celle du petit. Celui-ci s’avançait, tout penaud, l’air sincèrement désolé et des petites larmes coulaient sur ses douces joues. Le jeune venait peut-être de subir le jour le plus traumatisant de sa vie. Malgré sa petite voix chevrotante s’excusant, s’expliquant, le remerciant. Si sa tête triste venaient toucher en plein coeur le mâle mystérieux et froid, il ne fit pas part de ses sentiments, gardant le visage fermé. Si le petit avait eu peur, et bien il retiendrait deux fois plus la leçon s’il était grondé. Il fallait dire qu’Odyssée du Léopard commençait à se rendre compte de l’importance de ce petit dans sa vie, quand bien même il avait sa propre famille — une compagne décédée, certes, mais des chatons bien vivants, déjà grandissant rapidement. Il s’imaginait qu’à la place du noiraud, il y aurait pu y avoir l’un de ses enfants, et ça lui foutait encore plus les jetons.

Si le fait que Patte de Jais se jette contre lui pour étouffer ses sanglots avaient momentanément radoucit le guerrier, il sentait la colère dans ses entrailles. Il aurait pu rester là, le souffle coupé, balbutiant, les mots bloqués dans sa gorge, mais la douleur d’avoir déjà perdu sa compagne lui faisait prendre conscience qu’il fallait qu’il lui fasse sincèrement comprendre ses bêtises.